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L'Accord du Gouvernement catalan 217/2024, du 8 octobre, a initié le plan de réforme et de transformation de l'Administration et de son secteur public. Celui-ci prévoit un processus graduel et profond de transformation et d'amélioration des services publics, impulsant le renouveau de la gestion publique.
L'accord établit la création de la Commission d’Experts pour la Définition de la Stratégie de Transformation de l’Administration de la Generalitat de Catalogne et l’Amélioration des Services Publics (CETRA) en tant qu’organe collégial d’étude et de conseil, avec des fonctions de proposition, d’analyse et de planification de mesures. Elle est structurée en 12 groupes de travail qui ont inclus des dizaines de personnes issues du monde académique, professionnel et du secteur social, et qui ont travaillé pendant une année.
Le 3 novembre dernier, la CETRA a remis 50 mesures concrètes de réforme au Président du Gouvernement catalan.
Toutes les mesures, présentées conjointement (dans un document long et également dans un résumé exécutif plus bref), ainsi que détaillées dans chacun des 12 groupes, peuvent être consultées ici.
En particulier, le Groupe 1 de la CETRA a proposé un ensemble intégral de mesures pour la réforme de l’Administration catalane, centrées sur la simplification normative et procédurale, avec l’objectif de générer un impact transversal sur toutes les activités administratives. Ces recommandations cherchent à dépasser l’approche limitée à l’activité économique privée, en étendant la simplification aux droits sociaux des personnes afin de lutter contre des phénomènes tels que la fracture numérique ou le non-recours (non take-up) aux droits sociaux.
Ce qui suit présente un résumé concis des principales propositions, qui abordent des points critiques de l’activité administrative, appelés « points de douleur » (pain points), tels que les rapports administratifs, l’oralité, la qualité normative, les audits de sludge («boue» bureaucratique), l’automatisation des fonctions administratives ou l’usage de l’Intelligence Artificielle (IA).
Cet ensemble de mesures, qui cherche à transformer la relation entre l’administration catalane et la citoyenneté au moyen d’une simplification soutenue dans le temps à travers la qualité normative (better regulation), souligne l’importance de l’obligation juridique de diligence administrative, principe clé du droit public du XXIe siècle, lié au droit à une bonne administration (art. 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et art. 30 du Statut d’Autonomie de la Catalogne).
1. Simplification normative et qualité de la régulation
Plus de trente recommandations sont proposées afin d’établir une infrastructure permanente de simplification. Nous n’en présentons ici que quelques éléments essentiels.
Gouvernance et culture :
– Promouvoir un projet de loi relatif à la procédure d’élaboration des dispositions normatives, adapté aux postulats contemporains de la better regulation.
– Améliorer la culture gouvernementale et administrative en matière de qualité normative.
– Élever l’aire actuelle d’Amélioration de la Régulation au rang de Direction générale, dotée de ressources et de personnel suffisants (y compris de nouveaux profils tels que des psychologues spécialisés en sciences comportementales).
– Incorporer des apports comportementaux (behavioural insights) et des incitations (nudges) dans l’évaluation et le design normatif.
Transparence, participation et processus :
– Réviser la procédure normative afin de rendre plus agile la prise de décision, en prévoyant une procédure d’urgence ou d’exception (notamment en cas de catastrophes naturelles).
– Garantir une plus grande transparence et traçabilité dans l’élaboration des normes (publicité active, publication homogène des documents, empreinte normative des groupes d’intérêt).
– Simplifier la participation interne, en révisant la nécessité des rapports sectoriels et en renforçant les systèmes internes d’organisation.
– Avancer dans l’évaluation normative ex post, avec des indicateurs et des clauses d’extinction (sunset clauses), en fixant annuellement un nombre de normes à évaluer.
Réduction du stock normatif et mesure des coûts normatifs :
– Simplifier l’ordonnancement juridique existant, y compris par l’abrogation et la désindexation des normes, ainsi que par la mise en œuvre de la Commission de Consolidation au Parlement catalan.
– Mettre en œuvre des politiques de réduction du stock normatif de type « one in one out » (OIOO).
– Promouvoir la quantification systématique des coûts au sens large de la norme catalane, tant ex ante qu’ex post, dans un programme triennal.
Niveau local :
– Améliorer les relations avec le niveau local, en modifiant l’article de la législation locale catalane relatif à l’approbation des normes, aujourd’hui obsolète.
– Établir l’obligation de disposer d’une unité de qualité normative dans les municipalités disposant d’une population suffisante ou au niveau supérieur à celui de la municipalité.
– Créer des consortiums de collaboration entre la Generalitat et les gouvernements locaux pour l’application de réglementations complexes.
2. Simplification dans le domaine de l’activité économique
Les mesures visent à actualiser l’écosystème de simplification permanente, en étendant également l’application des principes aux citoyens :
Organisationnelles : Réorganiser la distribution des compétences, supprimer les charges répétitives ou obsolètes, améliorer l’information (transparence), établir des modèles de déclaration, et accélérer les communications préalables en favorisant la transformation numérique et l’accessibilité.
Procédurales : Simplifier, unifier ou supprimer des procédures, réduire les délais, et renforcer les procédures de réponse immédiate ou de résolution automatisée.
Documentaires : Promouvoir les déclarations responsables et les communications, réduire l’exigence documentaire et étendre cette méthode aux politiques sociales. Utiliser un langage clair et normaliser la documentation.
3. Amélioration du régime juridique des Entités Privées Collaboratrices de Certification
Il est proposé d’améliorer la réglementation existante (article 91 et suivants de la Loi catalane 26/2010) afin d’éviter la prolifération de régulations sectorielles non soutenues par une base commune solide, en garantissant que les fonctions de vérification, d’avis et de certification confiées à des entités privées ne se traduisent pas par une privatisation totale des prérogatives administratives.
4. Simplification dans le domaine de la citoyenneté et des droits sociaux
Des mesures sont proposées pour corriger le manque de parallélisme avec la simplification dans le domaine économique, en mettant l’accent sur la lutte contre la «boue bureaucratique » (sludge) dans la protection sociale :
– Relation avec le citoyen : remplacer les demandes par l’offre proactive de prestations, en identifiant les bénéficiaires à partir des données disponibles.
– Démarches : permettre l’accès aux prestations par de simples déclarations responsables. Adapter les délais de résolution au type de situation, en évitant les longueurs injustifiées en contexte d’urgence.
– Accès et données : supprimer les rendez-vous préalables obligatoires pour accéder à l’administration. Introduire des habilitations légales pour le traitement et l’échange de données personnelles fondés sur la mission d’intérêt public de protection sociale.
– Langage et accréditation : reconnaître les entités sociales comme entités collaboratrices pour valider les conditions ou l’identité des personnes sans systèmes d’identification sécurisés. Établir des standards linguistiques assurant la clarté du langage administratif.
5. Réaliser des audits de simplification (sludge audits)
Mettre en place des audits périodiques de simplification et d’agilisation (sludge audits), liés à l’évaluation normative ex post, afin d’identifier et d’éliminer les charges bureaucratiques inutiles qui empêchent les citoyens d’exercer leurs droits, en particulier dans le domaine des prestations sociales, en appliquant les apports comportementaux.
6. Améliorer la réglementation et la gestion des rapports administratifs
Des mesures de gestion et une modification de l’article 50 de la Loi catalane 26/2010 sont proposées :
– Gestion : planifier les rapports nécessaires et réviser ceux qui peuvent être supprimés. Réduire les délais dans les procédures automatisées et activer des alertes de préclusion dans les systèmes de travail.
– Normatif : les rapports facultatifs ne peuvent être demandés que si l’organe requérant justifie expressément et concrètement leur nécessité. Les nouveaux rapports obligatoires ne peuvent être introduits de manière générale. Le délai d’émission est de dix jours, et si le rapport n’est pas émis à temps, la procédure doit continuer sauf si la nécessité du rapport est expressément justifiée afin de pouvoir prendre en compte tous les éléments pertinents de l'affaire.
7. Promouvoir l’oralité dans la procédure administrative
– Introduire le principe d’oralité dans les principes d’action administrative.
– Permettre la réalisation des démarches de manière orale (présentielle ou virtuelle), avec enregistrement et intégration au dossier administratif.
– Articuler l’oralité avec la numérisation, notamment par la vidéo comparution.
8. Améliorer la réglementation et la gestion des Projets Stratégiques d’Entreprise et des plans urbanistiques associés
– Introduire une coordination plus agile entre planification territoriale, environnementale et projets économiques stratégiques.
– Créer une unité centralisée indépendante pour l’approbation définitive des instruments d’urbanisme stratégiques.
– Étudier la création d’instruments territoriaux simplifiés permettant d’autoriser certaines activités sans nécessiter une licence classique.
9. Promouvoir la médiation administrative extrajudiciaire
– Renforcer la diffusion de la médiation et la formation interne en utilisant le guide déjà élaboré par l'administration catalane à ce sujet.
– Prévoir légalement la possibilité de remplacer le recours administratif par la médiation, lorsque cela est approprié.
10. Automatiser les procédures et utiliser l’IA pour la simplification
– Renforcer les garanties de transparence, contrôle, supervision humaine et protection des données.
– Définir un cadre régulé d’usage de l’IA, avec détermination des fonctions réservées à l’intervention humaine.
– Créer une Fenêtre Numérique Unique et un Espace Administratif de Données.
– En attendant la mise en place d'une réglementation ayant force de loi conforme au règlement européen de 2024 sur l'intelligence artificielle, qui n'existe pas encore en Catalogne, utiliser des stratégies de soft law telles que protocoles pour l’automatisation robotique des processus et établir un Statut de la Citoyenneté face à l’Automatisation.
11. Réguler le droit à l’erreur : la nouvelle loi catalane 9/2025 du 13 novembre.
Suivant l'exemple de pays comme la France ou l'Italie, réglementer à la fois ce que l'on appelle communément le droit à l'erreur et le principe de confiance dans les relations entre les administrations et les citoyens et en ce qui concerne les fonctionnaires, afin de lutter contre ce que l'on appelle la bureaucratie défensive.
La bureaucratie défensive désigne une attitude ou un fonctionnement administratif dans lequel les agents publics privilégient l’autoprotection et la conformité formelle aux règles plutôt que la résolution efficace des besoins des citoyens. Elle se manifeste, par exemple, par l’excès de demandes de documents, la multiplication de contrôles ou l’application rigide des procédures, dans le but de prévenir toute critique, responsabilité ou risque juridique. Ce type de comportement, souvent lié à la peur de l’erreur ou de la sanction, ralentit l’action administrative et peut réduire l’accessibilité et la qualité du service public.
À cet égard, il est recommandé :
– Introduire un principe de confiance réciproque entre administration et citoyens.
– Limiter la responsabilité des agents publics aux cas de dol ou faute grave.
– Reconnaître le droit des personnes à rectifier leurs erreurs administratives de bonne foi.
– Reconnaître le droit de ne pas être lésé par des erreurs administratives en situations de vulnérabilité.
– Inclure une évaluation ex post de l’efficacité du droit à l’erreur.
La mise en œuvre de ces mesures de simplification de la CETRA et, de manière générale, des 50 propositions d'amélioration du secteur public catalan, nécessitera dans certains cas des modifications législatives. La première a eu lieu le 5 novembre dernier, lorsque le Parlement de Catalogne a approuvé une loi, la loi 9/2025, publiée le 14 novembre, modifiant la loi catalane 26/2010, relative au droit à une attention adéquate et à une bonne administration. Celle-ci modifie la loi 26/2010 en introduisant quatre nouveautés liées au droit à une bonne administration prévu à l'article 30 EAC.
Tout d'abord, l'interdiction expresse d'imposer l'obligation de prendre rendez-vous pour accéder aux services en présentiel de l'administration, en établissant que celle-ci ne peut être utilisée que comme mesure visant à améliorer l'attention portée aux personnes.
Deuxièmement, l'incorporation du droit à la clarté et à la compréhensibilité du langage administratif.
Troisièmement, le « droit à l'erreur » des personnes concernées dans leurs relations avec l'administration (dans le double sens de ne pas être lésées par elles-mêmes ni par les administrateurs), ainsi que des fonctionnaires, dans le cadre du principe de confiance réciproque et de diligence raisonnable comme élément de lutte contre la bureaucratie dite défensive.
Enfin, les principes généraux de l'action administrative sont renforcés, en incorporant le principe et le droit à la proactivité et à la personnalisation dans la prestation des services publics, et les conditions de prestation des services proactifs et personnalisés sont réglementées dans le cadre de la législation sur la protection des données.








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